BOSSUET,
UNE PERSONNALITÉ RARE
Une vie engagée, un militant de Dieu :
Né à Dijon, le 27 septembre 1627, dans une famille
de magistrats, Jacques Benigne Bossuet commence
ses études chez les Jésuites. Nommé chanoine de Metz, il étudie la philosophie
et la théologie à Paris où il
rencontre Saint
Vincent de Paul qui l'influencera toute sa vie. Avec lui, il apprend l'art
de la prédication et surtout à pratiquer la charité en soulageant
Il
Évêque de Condom en 1669, précepteur du Dauphin en 1670 pour lequel il rédige
le "Discours de l'histoire universelle", il est reçu à l'Académie
Française en 1671. Onze ans plus tard, il est nommé évêque de Meaux, et entre
solennellement dans la ville le 7 février 1682. Il garde ce diocèse jusqu'à
sa mort en 1704 et marque fortement la ville de son empreinte. On l'appelle
alors "l'Aigle de Meaux".
Jouissant de la confiance du roi, il intervient dans toutes les affaires religieuses
du royaume, notamment dans le conflit entre Louis XIV et le pape Innocent
XI sur le droit d'ingérence du Saint-Siège dans les affaires de la France
et prend durement à partie Fénelon, gagné au quiétisme, doctrine mystique
prônant la passivité de l'âme.
En 1689, un différend l'oppose à l'abbesse de Jouarre à laquelle il reproche
une gestion désastreuse...
Dans le même temps et durant vingt-deux ans, il est très présent dans son
diocèse meldois.
Atteint de "la maladie de la pierre" (des calculs
rénaux), il refuse une opération à l'issue incertaine et meurt dans son logement
de
Un
homme libre et moderne
Théologien, orateur, historien, philosophe cartésien, Bossuet combat jusqu'à
l'excès le protestantisme, le jansénisme, le quiétisme et il est impitoyable
avec le théâtre et les comédiens. Molière le sait bien, dont le Tartuffe attira
ses foudres !
Pourtant, derrière le prélat grave et le travailleur acharné, aux certitudes
inébranlables, on trouve les traits de caractère d'un homme libre et moderne
: il combat l'indifférence face à la pauvreté, le racisme, il est scandalisé
par les dépenses somptuaires de la Cour.
Il dit ce qu'il veut : cet orateur à la voix tonnante, forte, aux gestes simples
et expressifs exerce un charme invincible sur ses auditeurs, commandant à
tous, l'obéissance et la foi.
Sa spiritualité n'est pas éthérée, elle est en rapport avec sa représentation
du monde et sa vie intellectuelle, affective et sociale.
Polémiste, il dénonce sans relâche la corruption et les mœurs légères. Il
n'hésite pas à prêcher devant le Roi : "Sire, votre Majesté rendra compte
à Dieu de toutes les prospérités de son règne... (les pauvres) meurent de
faim dans vos terres... au milieu de tant de plaisirs et de tant d'excès !"
Jamais servile, c'est un homme de gouvernement, il en a tous les instincts
: il connaît les hommes et il ne cherche pas la gloire : il écrit, parle et
pense pour agir et pour peser sur les esprits. Dans la lutte fratricide entre
catholiques et protestants, il préfère pratiquer la conversion par la persuasion
plutôt que la chasse aux hérétiques, établissant ainsi les bases d'un antiracisme
avant l'heure : "nul homme n'est étranger à un autre homme".
Les préoccupations de Bossuet sont celles de nos contemporains, c'est en cela
que son œuvre est d'actualité.
L'ART DU
DISCOURS ET DE L'ÉCRITURE
Bossuet,
orateur éloquent et érudit
Quoi
qu'il dise ou qu'il écrive, il y a une émotion réelle et passionnée chez
Bossuet. Un art du récit entraînant, des raisonnements limpides, une
argumentation précise et une grande éloquence restent à la postérité ; nul
n'est plus sûr de ses mots, plus forts de ses verbes, plus énergique et délié
dans ses discours que l'Aigle de Meaux. Il manie avec dextérité une langue de
grande pureté, chargée de poésie. Dans l'écriture de Bossuet, le terme le plus
simple ou l'idée la plus relevée, l'expression la plus commune ou l'image
vigoureuse sont agencées dans un style puissant et frappent l'imagination par
leur poésie.
L'actualité
de Bossuet
Bossuet écrit chaque jour, été comme hiver. Il dort peu, et ses veilles sont
laborieuses : sermons, traités de théologie, oraisons funèbres, ouvrages de
polémique, son œuvre est considérable. Une partie d'elle a été publiée après sa
mort. On y trouve des citations qui prouvent combien certaines de ses pensées
sont d'actualité qu'il s'agisse de mort, des lois qui régissent un peuple ou du
rôle de la politique et de ses porte-parole !
- Bossuet a prononcé près de 200 sermons dont le plus connu est le Sermon sur
la mort en 1662 : "C'est une entreprise hardie d'aller dire aux hommes
qu'ils sont peu de choses".
- "Madame se meurt, Madame est morte" La
postérité aura retenu cela au moins d'une des plus célèbres oraisons funèbres
de Bossuet, celle d'Henriette d'Angleterre (1670). Commandées à la mort d'un
grand personnage pour évoquer le défunt, elles sont d'un genre très solennel.
Citons aussi celles d'Henriette de France (1669) et du Grand Condé (1687).
- Le discours sur l'histoire universelle (1681) est un véritable cours
d'histoire destiné à l'instruction du Dauphin, dont il est précepteur. Il y
démontre la toute puissance divine et trace le
portrait du vrai roi catholique. Il apprend au Dauphin, souvent rêveur, que
"les vraies études sont celles qui apprennent les choses utiles à la vie
humaine".
- Histoire des variations des églises protestantes (1688 ),
Maximes et réflexions sur la comédie (1694), Relation sur le quiétisme (1697),
La politique tirée de l'Écriture sainte reprennent les thèmes les plus
développés par Bossuet : la réunion des
églises catholiques et protestantes, le théâtre quand il ridiculise les hommes
pieux, la politique qui doit contribuer à rendre la vie commode et les hommes
heureux.
DANS
L'INTIMITÉ DE
"Je
veux arracher ce cœur à tous les plaisirs qui l'enchantent"
C'est
grâce à ses sermons que Bossuet va pénétrer l'intimité de Louis XIV et de toute
Le roi entretient des liaisons et mène une vie dissolue, les guerres ruinent le
pays. Il fait donner le Tartuffe de Molière devant la Cour pour
Est-il en disgrâce ? Non, le roi le fait évêque de Condom dans le Gers et lui
demande de prononcer l'oraison d'Henriette de France, reine d'Angleterre !
Bossuet est un ami de sa
fille, Henriette-Anne d'Angleterre, mais celle-ci meurt à son tour. C'est à son
enterrement qu'il dira "Madame se meurt, Madame est morte !"
"Louis
XIV voulut que Monseigneur le Dauphin pût se montrer
digne fils d'un si grand roi"
Les courtisans, qui ont compris que le Roi est sensible à la belle
éloquence de Bossuet, le voient déjà Cardinal, ou bien membre de l'Académie
Française. Il ne sera pas Cardinal, mais siégera effectivement à l'Académie. En
attendant, le Roi, qui désire pour son fils le Dauphin une éducation qui lui a
fait défaut, choisit, en 1670, Bossuet comme précepteur. Celui-ci veut faire de
son royal élève un roi compétent et lui enseigne personnellement la religion et
les sciences humaines. Bossuet se consacre avec zèle pendant 10 ans à sa
fonction qui le conduit à être mêlé malgré lui aux affaires intimes du Roi.
"Sa
Majesté m'emploiera si elle le juge à propos"
Bossuet
n'en mène pas moins ses autres recherches et combats. Il règle un conflit entre
Louis XIV et le pape Innocent XI en redéfinissant l'autorité de chacun. Bossuet
est nommé à l'évêché de Meaux en février 1682. Il va se donner pleinement à son
ministère diocésain.
Rappelé à la Cour pour l'oraison funèbre de Marie-Thérèse d'Autriche, il
apprend que le Roi s'est rapproché de "
de leur mariage.
En 1686, son ami, le Grand Condé meurt. Cette peine s'ajoutera au doute qui
s'insinue chez l'Aigle de Meaux après la révocation de l'Edit de Nantes, qu'il
avait approuvée. Peu après, Bossuet s'oppose violemment à celui que l'on
considère comme son fils spirituel, Fénelon.
Cette brouille sera arbitrée par le Roi en faveur de celui en qui il a toute
confiance : Bossuet devient même Conseiller d'Etat
ecclésiastique, nouvelle charge officielle.
Ainsi Bossuet aura été associé, tout au long de sa vie, aux décisions les plus
importantes du royaume. Sans être un courtisan, il met ses
convictions exempte de toute servilité au service de la Royauté :
"Une foi, une loi, un roi"
BOSSUET À MEAUX
Vingt-deux années à Meaux : très assidu à son diocèse, Bossuet a
marqué la ville de son empreinte. Dijon, Metz, Paris, Condom, Versailles :
de toutes ses résidences, c'est la cité meldoise qu'il préfère.
Lors de son entrée solennelle dans la cité épiscopale, le 7 février 1682,
Bossuet a 54 ans. Il donne le ton devant une large assemblée : "Ma maison,
entendez le bien, ma maison va être désormais
On dira de lui qu'il s'est toujours montré attentif à visiter l'ensemble de
ses paroisses, même s'il a souvent l'obligation de quitter Meaux, à cause
de ses attaches à la Cour de Louis XIV.
Il aime séjourner à Germigny, en bordure de Marne,
où il devise longuement avec le curé de Varreddes...
À Meaux comme à Germigny, été comme hiver, il écrit
quelques-unes de ses œuvres les plus réputées. À l'approche
de sa mort, il quitte Meaux (1703) mais ses obsèques seront célébrées solennellement
dans